Cody savait parfaitement que sa fille traînait les pattes. Depuis quelques temps, un étrange manège s’était installé entre eux. Quelque chose qu’il n’arrivait pas à résoudre. Elle mangeait lentement son petit déjeuner alors qu’il devait encore la mener à la garderie et ensuite partir travailler. Sauf que sa fille ne semblait pas décider à partir. Il avait tenté de discuter avec les éducatrices pour savoir ce qui se passait, mais elles lui avaient affirmé que tout se passait bien. Parfois Conrad se demandait si elles savaient dire autre chose que tout allait bien. Il était méchant, mais il s’en fichait. Il était juste inquiet, inquiet pour son enfant qui ne semblait pas d’une humeur très favorable. Cela faisait pourtant deux ans qu’elle était à Newport Beach, avec le temps, il avait espéré qu’elle s’habituerait. Il s’était trompé, bien évidemment. Ou alors il y avait autre chose que son enfant n’avait pas envie de dire. « Je te laisse terminer ton petit déjeuner, tu viendras ensuite te laver les dents. » L’homme se leva et alla dans la salle de bain terminer son nettoyage et commença à brosser ses dents. Peut-être qu’Anita manquait de présence féminine, c’était quelque chose qu’il avait souvent envisagé. Après tout, il l’avait toujours élevé en tant que père célibataire. Leur relation était fusionnelle, presque trop par moment, mais ils ne pouvaient compter que l’un sur l’autre. Oh bien sûr il y avait le reste de la famille de Cody, mais ce n’était pas pareil.

Le médecin termina de se laver les dents et alla chercher ses affaires tandis qu’il entendit Anita dans l’autre salle de bain se laver les dents aussi. Une fois la petite famille prête, les affaires de sa fille sous le bras, ils partirent en direction de la voiture et de la garderie. Une fois sa fille déposée, Cody se dirigea vers l’hôpital et le service de pédiatrie où il bossait. Il salua ses collègues qu’il croisa en direction du vestiaire et changea de tenue pour ensuite demander auprès d’une assistante les dossiers qu’il devrait voir aujourd’hui. Il attendait Inna, son étudiante qui apprenait avec lui. Il devait bien l’avouer, la brune le chamboulait même s’il n’en disait rien. Elle ne le laissait pas indifférent et plus les jours passaient et plus il perdait la tête la concernant. Il ne pouvait pas s’amuser à tomber amoureux d’elle. Mais ce n’était pas aussi simple. Cody feuilleta le dossier d’un patient qu’ils devraient aller voir. Un patient qui avait des symptômes récurrents, mais ils n’arrivaient pas à établir de quelle maladie il était atteint. L’enfant était depuis deux semaines dans le service et les batteries de test continuaient. Les parents commençaient à exprimer leur impatience et cela rajoutait un facteur stress supplémentaire.

Un bruit de pas lui fit redresser la tête et il reconnut aussitôt Inna. « Bonjour Inna, comment allez-vous ? » C’était formel, mais c’était la règle. Il essayait d’imposer une forme de distance pour ne pas céder à ses envies et toutes les images érotiques qui peuplaient son esprit, nuit après nuit. « On doit parler à cet enfant et voir ce qu’on peut faire pour lui. » Il tendit le dossier avec les symptômes. L’enfant avait de la fièvre, des plaques rouges, des pertes de connaissance. L’enfant ne montrait aucune allergie. Il montrait des signes d’intense faiblesse, Cody se demandait s’ils n’avaient pas raté quelque chose dans les examens. Il ne supportait pas la frustration et quand il était incompétent de la sorte. Ces symptômes étaient bateaux, mais ils ne passaient pas et c’était cela qui l’inquiétait le plus au fond.

Quand elle prit le dossier de ses mains, Cody sentit la chaleur de sa main et cela lui fit étrange. Malgré tout il s’engagea à cacher son trouble. « Oui merci je vais bien. » Tout allait bien, parfaitement bien alors qu’il fantasmait en secret sur son étudiante. Il devrait vraiment envisager de discuter avec un psychothérapeute voir s’il ne cachait pas quelque chose au fond de lui. Voir un enfant proche de l’âge de sa fille lui faisait étrange, il ne fallait pas se mentir. Il était un père avant d’être médecin et il avait souvent tendance à mettre cette partie de l’équation en dehors. Anita restait toujours dans un coin dans son esprit, elle l’accompagnait dans ses pensées. Un examen neurologique était une excellente idée et il hocha la tête face à sa proposition. Inna lui permettait de se détacher du problème, de regarder cela d’un œil extérieur et d’envisager plusieurs stratégies. « Allons voir notre jeune patient. » Il se dirigea vers la chambre avec un calme olympien et du calme il lui en faudrait. Car c’était une véritable tempête qui l’attendait dans la chambre. Les parents étaient là, les sens aux aguets et l’air à vif. Cody pouvait percevoir leur tension sans aucun mal. « Bonjour. » Il les salua avec respect, tendant sa main pour serrer celles des parents.

La mère s’avéra plus chaleureuse que le père, comme d’habitude. Pourtant Cody ne se laissait pas démonter. Il s’était habitué à leur comportement à la longue. Il savait que ce n’était rien contre lui. Juste la tension nerveuse qui les habitait et qu’ils ne savaient absolument pas quoi en faire. Cody les comprenait, lui aussi serait dans cet état si on ne trouverait aucune solution pour son enfant. Il fallait bien avouer, le personnel médical, dont lui, galérait sérieusement à trouver une solution. Il ne trouvait pas de maladie, donc pas de remède et l’état du patient semblait empirer de jour en jour, c’était tout simplement catastrophique. Cody était réellement inquiet, même s’il ne le disait pas aux parents. Les gens avaient tendance à penser que si le médecin était inquiet, c’était la fin de tout. L’homme ne partageait pas cet avis, mais au fond cela ne regardait que lui. « Comment vas-tu aujourd’hui James ? » L’enfant sourit avec douceur et se lança dans l’histoire de sa matinée, expliquant en détail ce qu’il avait fait avec l’infirmière et aussi la venue d’un clown. Cody sourit, en tout cas l’enfant n’avait aucun problème de vocabulaire et savait se situer dans l’espace-temps. C’était déjà une bonne chose.

« Nous aimerions faire passer un examen neurologique à James. » Dit calmement le médecin après que l’enfant ait terminé de parler. Les parents se regardèrent et Cody comprit aussitôt que cela n’allait pas jouer. Il voyait bien la fermeture de leur visage et leur négation. Ils ne se consultèrent pas une seule minute que le père refusa la proposition. Les parents voulaient rentrer avec leur enfant malade. Cela s’annonçait vraiment mal parti. Cody les invita à discuter à l’extérieur de la chambre et les parents les suivirent. Le médecin se retourna vers eux et parla avec bienveillance. « Il nous faudrait un examen supplémentaire…
- Pourquoi ? Il est épuisé, cela ne sert à rien. » Affirma le père.
« Pour vérifier une supposition. » Dit calmement Cody, refusant de se démonter. Il jeta un regard à Inna discrètement. Négocier avec les familles faisait malheureusement parti de l’équation. Mais dans ce cas-là, cela allait être musclé. Le père ordonna qu’on leur fiche la paix et avec sa compagne, retourna dans la chambre. « Laissons-les réfléchir. Cela leur demande énormément d’effort et de courage. » Dit Cody. Il semblait soudainement fatigué, le visage tiré par l’inquiétude. C’était un fait rare qu’il exprime autant sa tension. Cette situation le touchait plus qu'une autre.